Courrier
Douze bonnes raisons de se méfier de la société anonyme des Grottes de Han, propriétaire et gestionnaire touristique de la grotte et du parc animalier de Han-sur-Lesse, sous l’appellation « Domaine des Grottes de Han ».
Pour mieux comprendre ce qui se passe actuellement à Han-sur-Lesse et les tensions croissantes entre la s.a. des Grottes de Han et la population du village, il est utile de dresser un descriptif historique de l’évolution de l’entreprise qui gère les attractions touristiques des Grottes et du parc animalier, sous l’appellation de « Domaine des Grottes de Han ».
- Le site des Grottes de Han-sur-Lesse et de la Chavée de la Lesse forment un ensemble remarquable d’origine naturelle qui appartient au patrimoine public de la Wallonie et dont l’exploitation financière par une entreprise privée, la s.a. des Grottes de Han, privilégie les principaux actionnaires au détriment de l’intérêt général. L’entreprise familiale qui, en bonne entente avec les villageois, exploitait initialement la visite touristique des grottes, est devenue, aujourd’hui, une société financière développant ses activités « à côté » du village, sans guère d’égards pour celui-ci.
- La création du parc animalier, en 1970, a privé la population, sans consultation préalable, de l’accès à de nombreux chemins publics et aux berges de la Lesse qui permettaient de se rendre jusqu’au Gouffre de Belvaux, lieu habituel de promenade des habitants des localités de Han, Wavreille et Belvaux.
- L’exploitation touristique du milieu karstique que constituent les Grottes de Han-sur – Lesse et des territoires englobés dans le parc animalier ont un impact catastrophique sur la qualité exceptionnelle de ces sites naturels. Les multiples aménagements réalisés pour recevoir et faire circuler les touristes dégradent immanquablement et dénaturent totalement ces milieux. Les chemins bétonnés, escaliers, passerelles, tunnels creusés à la dynamite, circuits électriques, systèmes d’éclairage, nettoyage des concrétions par des produits chlorés ou spectacles audio-visuels tonitruants… constituent autant d’éléments qui perturbent le milieu souterrain exceptionnel des grottes de Han. Des kilomètres de clôtures délimitent l’enceinte du parc animalier, empêchent l’accès de la faune aux milieux forestiers, encadrent l’itinéraire des piétons ou constituent des enclos de superficie réduite pour les animaux encagés. Ce cloisonnement des surfaces renforce l’impact de la surpopulation des espèces présentes artificiellement sur le site.
- La surpopulation d’animaux, nourris au maïs, aux pois et aux tourteaux, sur un territoire restreint ou leur maintien en captivité dans des enclos de taille réduite sont préjudiciables à la biodiversité naturelle des milieux concernés, mais aussi à l’état sanitaire de la faune. Ils sont contraires au respect du bien-être animal. Les épidémies dans les populations de chevreuils ou l’extermination totale du cheptel des rennes, par mauvaise adéquation de l’alimentation et des soins apportés, constituent des exemples de cet état sanitaire déplorable, sans évoquer les évasions diverses de lynx, de daims, de mouflons ou de chamois retrouvés morts ou abattus en dehors du parc,… Une étude de l’état sanitaire général des animaux du parc, effectuée par un organisme indépendant, serait la bienvenue. Cette même étude pourrait également répondre à de légitimes interrogations : Quel est l’impact de la surpopulation de sangliers sur le plateau calcaire de Boine, sur la perturbation de la régénération forestière, de la survie des strates inférieures de la végétation, des couches humifères ou de la qualité des eaux d’infiltration dans les fissures du sous-sol karstique ? Comment expliquer la pollution organique récente de la source de Chession isolée au cœur du parc animalier ? Quel est l’impact général de cette surdensité de faune ? Quelles techniques sont utilisées pour empêcher l’évasion des vautours fauves ou des cigognes blanches de leur étroit enclos ?
- Le massif de Boine, la colline de Chession, les rochers de Faule et la Chavée de la Lesse sont des sites naturels remarquables qui ont justifié, au Plan de secteur, leur affectation en Zone naturelle d’intérêt paysager. En principe, aucun aménagement, de quelque ordre qu’il soit, ne peut y être effectué. Cette protection maximale n’empêche pas la s.a. des Grottes de Han d’y développer un réseau de voies de circulation de camions et de circuits piétonniers empierrés, d’édifier des structures d’accueil pour pique-niques, d’installer des logements dans les arbres, de construire une imposante fosse aux ours et d’autres structures de gardiennage des animaux, d’exploiter deux sites de snack-bars et d’un vaste chalet pouvant loger des visiteurs désireux de « dormir avec des ours ». Ces aménagements sont en contradiction totale avec les recommandations et avec la législation en matière d’urbanisme.
- À la fin des années 1980, d’importants travaux de terrassements ont été effectués par la s.a. des Grottes, sans autorisation préalable, sur la rive gauche du Ri de la Planche, peu avant sa confluence avec la Lesse. Les berges des ruisseaux de la Planche et du Léri ont été rectifiées et plus d’un hectare de la plaine alluviale a été rehaussé de plusieurs mètres, ce remblaiement réduisant notablement la surface inondable disponible pour l’étalement des eaux lors des crues de la Lesse et accentuant les inondations dans le village de Han. Depuis lors, la zone remblayée sert de parking hivernal aux Safari-cars et de zone de dépôt de remblais en tous genres ou d’incinération de déchets divers.
- En 2001, sous prétexte d’un mauvais état sanitaire des arbres, la s.a. des Grottes de Han a procédé à l’abattage illégal, sans autorisation communale, sans avis de la Commission Royale des Monuments et Sites, de plus de 100 marronniers bicentenaires de l’Allée classée située en bordure de la rivière, en aval de la résurgence de la Lesse. L’analyse des grumes tronçonnées a démontré leur état sanitaire satisfaisant pour des arbres de cet âge. Les arbres restants de l’Allée des Marronniers ont été partiellement abattus par tronçons, un seul de ces tronçons étant épargné aujourd’hui pour des motifs assez confus.
- Le développement de l’entreprise touristique gérée par la s.a. des Grottes de Han nécessite des investissements et des modifications des sites qui, comme pour tout citoyen, devraient répondre à la législation en matière d’aménagements immobiliers et de permis d’urbanisme. Or, la s.a. des Grottes de Han a pris l’habitude d’adopter un mode de fonctionnement peu conforme aux réglementations en vigueur. Il s’agit simplement d’entreprendre n’importe quoi, d’attendre les réactions éventuelles des autorités, puis de régulariser la situation avec la bénédiction forcée de ces mêmes autorités mises devant le fait accompli.
Quelques exemples :- Construction du « chalet aux ours » en zone naturelle d’intérêt paysager dans le parc animalier, sans permis de bâtir. Régularisation en 2018.
- Mise en place d’une grille empêchant l’accès à la grotte sur le site classé de la résurgence de la Lesse, sans consultation de la Commission Royale des Monuments et Sites.
- Aménagement d’une route en boucle empierrée dans la Zone naturelle d’intérêt paysager de la plaine d’Hamptay. Aucune autorisation, ni sollicitée, ni accordée.
- Installation d’une citerne à mazout de 20 000 litres à la Sortie des Grottes, la s.a. ayant, selon ses dires repris dans le dossier de régularisation, « oublié » d’introduire la demande d’autorisation. Régularisation en 2018.
- En 2021, rectification du tracé du Léri (petit ruisseau temporaire, affluent du Ri de la Planche), travaux de mise en place d’un « ponceau » sur le Ri de la Planche et tracé d’un sentier piétonnier empierré en site propre, sur plusieurs centaines de mètres, en zone forestière de lisière, en Zone Natura 2000 et, au plan de secteur, en Zone Naturelle d’intérêt paysager, sans autorisation communale, sans avis du Département Nature et Forêts, sans avis du Service des voies non navigables de la Région Wallonne…
- En février 2021, abattage sans autorisation de plusieurs grands arbres de plus de 40 ans en prévision de la création d’un parking de 470 emplacements sur le site de l’ancien camping, dans le méandre de la Lesse, alors que l’enquête publique concernant la création de ce parking est toujours en cours…
Interrogée sur cette méthode un peu cavalière de prendre en compte la législation en matière d’urbanisme, la direction de la société des Grottes de Han se justifie en évoquant l’argument aussi désolant qu’incontestable : « On a toujours fait comme ça ! »
- Le parc animalier de Han, qui s’octroie le titre de « Réserve d’animaux sauvages », offre aux visiteurs l’image d’une pseudo-nature aménagée, aisément accessible, ludique, distrayante, assimilable aux animations proposées par un parc d’attractions. Le seul élément qui différencie le parc animalier de Han d’un jardin zoologique, c’est son installation et son aménagement dans un environnement exceptionnel d’un point de vue paysager, biologique, archéologique, géologique et géomorphologique… qui en pâtit inévitablement. La sensibilisation à la préservation de la nature passe-t – elle nécessairement par cette démarche qui consiste à véhiculer des dizaines de milliers d’enfants, chaque année, dans des safari-cars, en leur faisant chanter « Aux Grottes de Han… Han ! C’est la nature en grand… » ?
- Les visites dites « sportives » de la grotte de Han emmènent, dans des sites karstiques fragiles, des petits groupes de « spéléologues d’un jour » en mal d’aventures et de sensations fortes. Ces séances de défoulement tarifées sont incompatibles avec le respect des écosystèmes souterrains particulièrement sensibles. Le passage répété de ces groupes, si réduits soient-ils, ont un impact durable sur l’atmosphère des cavités, sur la structure des dépôts argileux, sur la qualité des eaux d’infiltration et sur la microfaune présente dans ces milieux très particuliers.
- Jusqu’en 2010, les plus beaux sites du parc animalier de Han (Massif et plaines de Chession, vallée sèche en aval du Gouffre de Belvaux, Rochers de Faule, zones de pierriers et versants boisés situés en amont de Griffaloux,…) étaient propriétés de la commune de Rochefort. Ces terrains faisaient l’objet d’une location par bail emphytéotique (27 ans), et pour une somme dérisoire, à la s.a. des Grottes de Han.
En 2010, ces terrains d’une superficie totale de plus de 70 hectares ont été cédés par la commune de Rochefort, celle-ci recevant en échange une superficie similaire de taillis sous futaie située sur le versant ouest du massif de Boine, entre Han et Belvaux. Cet échange, que certaines associations naturalistes ont comparé à un échange entre un terrain de football et la Grand Place de Bruxelles, a privatisé définitivement un territoire naturel et patrimonial remarquable, parmi les plus intéressants de Wallonie. De plus, cette session à une société privée de l’ensemble des terrains exploités par le parc animalier prive la commune de Rochefort d’un droit de regard et de contrôle des activités de cette société, droit qui pouvait être exercé lors des négociations de reconduction du bail. - Les projets de la S.A. des Grottes de Han (Déménagement de la billetterie, déplacement de la zone des départs des trams et safaris en zone inondable et en Zone Naturelle au plan de secteur, aménagement d’un nouveau parking de 470 emplacements, création d’une attraction « accroc-banches » sur le versant du massif de Boine, implantation d’un village de vacances sur la rive gauche de la Lesse en aval de l’Allée des Marronniers,…) laissent craindre le pire quant à l’avenir de ces sites naturels remarquables de la Calestienne reconnus et vantés par l’attribution du label « Géopark » de l’Unesco. Leur transformation en parc d’attractions semble inéluctable.
La s.a. des Grottes de Han se targue de mettre en valeur le patrimoine naturel… C’est une évidence ! Cette mise en valeur est exclusivement d’ordre financier au bénéfice de quelques particuliers. Elle développe aussi sa communication sur son souci de participer à la protection de la nature et à la sensibilisation du grand public à cette protection. Et là, tout naturaliste averti ne peut que s’inscrire en faux face à cette affirmation.
Il existe pourtant d’intéressantes alternatives qui permettraient de concilier tourisme et préservation de la nature. C’est évidemment possible ! Les exemples ne manquent pas. Mais il faut envisager alors un tourisme diffus, un tourisme discret, un tourisme de découverte d’une région, de sa culture et de ses habitants, un tourisme respectueux, bref un tourisme de qualité… tout ce que n’est pas le tourisme initié et développé par la s.a. des Grottes de Han, depuis une trentaine d’années, dans les sites naturels remarquables englobés dans le « Domaine des Grottes de Han ». On est ici en présence d’un tourisme de masse, d’un tourisme d’un jour, d’un tourisme de consommation de produit, d’un tourisme générateur de nuisances, d’un tourisme de parcs d’attractions !
Bruno Marée
Han-sur-Lesse
Mars 2021
Meunier
https://www.rtbf.be/auvio/detail_han-sur-lesse-un-nouveau-sentier-illegal-fait-grincer-des-dents?id=2859530
https://www.matele.be/les-grottes-de-han-tente-de-se-remettre-sur-le-droit-chemin