Bloc Lorrain, dissolution



À nos frontières


La dissolution de l’association militante crée un précédent inquiétant

« Ça y est, c’est tombé en Conseil des Ministres, on est dissout ». Ce sont les mots du porte-parole de l’association Le Bloc Lorrain, basée dans l’Est de la France. Il ajoute : « on va faire un recours au Conseil d’État. On a peur qu’ils se servent de ça pour faire une jurisprudence. »

En effet, dans un courrier daté du 21 octobre 2022 que nous avions pu consulter, le Bloc Lorrain était accusé par le Ministère de l’Intérieur de provoquer « à des manifestations armées ou à des agissements contre des personnes et des biens ». Rien que ça.

Mais qui compose le Bloc Lorrain ? Quelles sont ses activités ? La structure est une association loi 1901 qui « regroupe environ 200 adhérents et adhérentes de tous les âges » nous explique son porte-parole. Le collectif se revendique libertaire, altermondialiste, écologiste. À la base, c’est « un groupe de potes, certains militent depuis 20 ans ». « On s’est constitué en association en mars 2021, pour mener à bien certaines actions autour de la justice sociale. »

Depuis, le Bloc Lorrain n’a pas ménagé ses efforts. Des maraudes étaient organisées « toutes les semaines, à Nancy, à Metz, dans toute la Lorraine ». Désormais, il « y a des militants partout dans la région » et même « des sympathisants ailleurs ». En deux ans, le Bloc Lorrain a distribué plus de 20 000 repas.

Le collectif réalise aussi des distributions de nourriture aux étudiant-es et vient en aide à des familles de réfugié-es. « On fait aussi des actions environnementales » nous explique le porte-parole. Par exemple, le groupe sort ramasser des tonnes de déchets jetés dans la nature. Des initiatives salutaires, en faveur du bien commun.
C’est un véritable « système alternatif de luttes » qui se met en place. Le
Bloc Lorrain pratique l’entraide concrète et lutte dans la rue. « On manifeste aussi, évidemment, on tient les banderoles », ou encore « on milite aussi sur Bure, contre l’enfouissement des déchets nucléaires ». Le Bloc Lorrain s’est aussi déplacé à Paris lors de grosses manifestations ou à Nantes lors de fêtes de la musique en hommage au jeune Steve, tué par la police.

C’est sur ce point que le gouvernement veut les attaquer. Le Ministère de l’Intérieur, qui est entré dans une frénésie de dissolution depuis deux ans, a tenté de détruire notre média Nantes-Révoltée, puis des groupes de soutien à la Palestine, et un collectif antifasciste lyonnais. Auparavant, il avait dissout de nombreuses associations musulmanes, au nom de la lutte contre le « séparatisme ». Des procédures d’exception contre les minorités et les opposant-es pendant qu’Éric Zemmour, condamné pour provocation à la haine raciale et proche de groupes néonazis violents, est invité sur tous les plateaux dès qu’il a envie de vomir son racisme à l’antenne.

Contre le Bloc Lorrain, il n’y a que des accusations floues, basées sur des intentions supposées. Par exemple le gouvernement accuse la structure de « valoriser les débordements » sur sa page Facebook, la diffusion de vidéos de manifestations, ou encore la dénonciation de la police. Dire la vérité est désormais interdit en France. Chaque publication ou commentaire sur Facebook semble scruté, épluché, pour en déduire que le collectif «incite» à la « commission d’actes violents ». On peut difficilement faire plus mensonger : le Bloc Lorrain a organisé une manifestation à Nancy, contre sa dissolution le 29 octobre. Des centaines de personnes avaient défilé dans le calme.

Ce 22 novembre 2022, en Conseil des Ministres, un décret lunaire au nom de la Première Ministre et du Ministre de l’Intérieur a donc entériné la dissolution. Un précédent inquiétant, puisque les procédures contre Nantes Révoltée n’ont pas abouti et que les dissolutions visant les associations pro-Palestine et antifascistes ont été cassées par le Conseil d’État. Avec cet arrêté contre le Bloc Lorrain, s’il est maintenu, c’est un palier qui est franchi. Demain, n’importe quel collectif militant peut être visé. Et après ? Il en va de la survie des maigres contre-pouvoirs qui existent encore en France.

Pour rappel, les procédures de dissolution ont été inventées dans les années 1930, en pleine montée du fascisme et de tensions militaires : il s’agissait de réagir aux nombreux groupes armés d’extrême droite, fascistes ou monarchistes, qui préparaient un coup d’état contre la République, commettaient des attentats et avaient attaqué le Parlement. Aujourd’hui, cette procédure est utilisée très largement pour anéantir les groupes d’opposant-es qui font vivre la vie sociale à l’échelle des territoires. L’usage s’est inversé.

Sur sa page Facebook, le Bloc Lorrain déplore : « La 180ème maraude n’aura pas lieu, l’énième ramassage de déchets ne se fera pas ce week-end. Nous n’existerons plus en tant qu’entité. Nous serons dans l’obligation de stopper nos activités, plus de messages, plus de réponses collectives, plus de compte bancaire, plus rien au nom de l’association. Nous ne pourrons plus nous rassembler tous ensemble sous peine de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende. »

Tout n’est pas fini, car un recours aura lieu au Conseil d’État, probablement dans plusieurs mois. D’ici là, une cagnotte est en ligne et le déroulé de la procédure sera expliqué sur le Média Jaune de Lorraine



 

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