Courrier Colupa
Ce dimanche 9 août nous « célébrons » le 75ème anniversaire de la seconde bombe atomique larguée sur Nagasaki, après Hiroshima le 6 août. Mais la pandémie toujours virulente à laquelle s’ajoutent la récente explosion au Liban et tant d’autres événements dramatiques se disputent la vedette. À tel point que ce 75ème anniversaire est presque passé inaperçu. Or malgré l’horrible drame du Liban, il est sans commune mesure avec la tragédie qui a entraîné la mort au moins de quelque 200.000 civils le jour même et au cours de ceux qui ont suivi le largage des deux bombes atomiques. Quant à l’arsenal des ogives nucléaires toujours prêtes à l’emploi aujourd’hui, on sait qu’elles ont la capacité de détruire plusieurs fois la planète, les bombes actuelles ayant, en moyenne, une puissance de destruction quarante fois supérieure à celles qui ont été larguées sur le Japon en 1945. Nous cédons aujourd’hui la parole à Pierre Debbaut, pacifiste convaincu tout au long de sa vie de militant (et ce n’est pas fini !) pour qu’il nous commente la signification de ce sinistre anniversaire dans le contexte des guerres et des menaces actuelles.
Bonjour à tous les citoyens et citoyennes de bonne volonté !
Les besoins de sensations fortes que nos moyens d’information ont mis à l’honneur amplifient ou réduisent à rien les événements qu’ils nous décrivent. Le choc du 6 août et du 9 août 1945 mérite pourtant toute notre attention. 75 ans après, il est clair que ces bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki à l’aide de deux bombes atomiques ont fortement modifié les relations entre les nations. J’aimerais attirer votre attention sur quelques questions et esquisser des réponses dont je ne suis pas certain (donc place à la discussion !).
- Dans beaucoup de documents récents, les auteurs signalent que – dès la découverte de la fission nucléaire en 1938 – des physiciens français, allemands, étasuniens et bien d’autres se sont aussitôt plongés dans la recherche d’applications militaires. Pourquoi orienter ces belles découvertes vers des utilisations souvent destructrices? Peut-être est-ce le domaine qui paye le mieux? En tout cas ces travaux étaient si bien occultés qu’Einstein estima nécessaire d’écrire à Roosevelt pour lui signaler les recherches allemandes déjà bien avancées.
- Comment se fait-il qu’un événement aussi tragique que les bombardements nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki suscita alors dans la presse, et aussi dans le public, une grande joie et beaucoup d’admiration? À ma connaissance, seul l’éditorial de Camus dans « Combat » a mis en évidence le recul de l’humanité dans cette propagation de la violence et dans la rage de destruction. Ce fait met en lumière l’effet avilissant de cinq années de guerre. J’avoue que j’ai, en ce temps là, suivi la majorité.
- Dans les années 45-50, plusieurs personnages importants des États-Unis, notamment Eisenhower, président et grand chef militaire, Oppenheimer, directeur du laboratoire de Los Alamos, etc. reconnaissent que les bombardements atomiques étaient inutiles, le Japon était vaincu. Des documents naguère secrets, aujourd’hui révélés, lèvent les derniers doutes : les savants étatsuniens avaient mis au point deux bombes atomiques, différentes par la technique de déclenchement. Ils voulaient comparer leurs effets sur des agglomérations urbaines. D’autre part, le président Truman voulait montrer à tous les adversaires éventuels des États-Unis qu’il ne reculerait pas devant des moyens inhumains. Il fallait que les effets soient spectaculaires pour démontrer que son pays dominait toutes les nations du monde. Cette attitude est assez conforme aux autres idées avancées par le sénateur Hart Truman. Déjà en 1941, il s’opposait à l’entrée en guerre du pays en déclarant : « Laissons Allemands et Russes s’affaiblir en se battant entre eux; quand l’un des deux sera presque épuisé on l’aidera à écraser l’autre ».
- Jacques Le Jeune dans son livre « Je ne tuerai pas » met en évidence l’importance accordée à l’abdication sans condition. N’est-ce pas une négation de l’humanité de l’adversaire?
- Après l’usage de la bombe, la guerre terminée, les États-Unis se trouvaient dans une situation particulière; ils étaient parmi les grands vainqueurs du conflit, mais n’avaient pas connu les combats sur leur territoire et leur économie avait bénéficié du surplus d’activités engendré par la guerre. Ils dominaient le monde et pouvaient garder leur avantage grâce à une politique économique intelligente. Sur le plan militaire, l’URSS se sentait menacée, Staline imposa à son peuple des efforts énormes et réussit à son tour à fabriquer des bombes nucléaires. La menace réciproque entre deux grandes nations créa la guerre froide. Comment les dirigeants de ces pays ont-ils pu s’engager dans une escalade insensée pour se dépasser l’un l’autre? Les armes produites devenaient de plus en plus puissantes à tel point que leur utilisation menaçait l’existence de l’humanité et de la planète. Des voix prestigieuses ont finalement pu se faire entendre et le désarmement devint une vraie préoccupation pour certains. Mais n’était-ce pas trop tard? N’étions-nous pas allés trop loin? Les quantités de matières fissiles retirées des armes détruites constituaient un danger permanent. Comment les garantir contre le vol et leur réutilisation militaire? Comment assurer leur transport en des lieux où elles pourraient être utiles? Comment convaincre ceux qui croient que ces armes constituent une sécurité de ne pas s’opposer au désarmement? Un énorme travail !
- La Belgique est directement concernée par l’armement atomique : les États-Unis ont stocké des armes nucléaires chez nous à Kleine-Brogel et dans quelques autres États de l’OTAN pour menacer la Russie, l’usage éventuel de ces bombes a influencé le choix coûteux et contestable de nouveaux avions de chasse belges, cette localisation étant en contradiction avec le Traité de non-prolifération des armes nucléaires.
L’énormité du travail ne doit pas nous décourager. Nous n’en viendrons sans doute pas à bout, mais d’autres nous suivront. Plusieurs actions sont possibles, unissons nous pour choisir les plus efficaces.
Merci pour vos réactions et bon courage !
Pierre
Coalition luxembourgeoise pour la Paix
Agir pour la Paix – Cellule Accueil Réfugiés – Centre d’Action Laïque Lux. – Centre d’Animation Globale du Luxembourg – Cercle Tedesco – Centre des Immigrés Namur Lux. – CNCD 11.11.11 Lux. – Communauté Les Frênes – Entraide et Fraternité – Le Gletton – Ferme du Hayon – CDR-Halle de Han – Maison luxembourgeoise de l’Écologie – MOC Lux. – Mojoca – Mouvement d’Action Paysanne (MAP) – Oxfam Magasins du Monde – Périple en la Demeure – Service Civil International (SCI). |